Le collègue de Nicolas Le Floch

Passionné par le XVIIIème siècle et par les enquêtes policières, j’ai découvert avec beaucoup d’intérêt les romans de Jean-François Parot et leurs adaptations en feuilleton mettant en scène le truculant commissaire Nicolas Le Floch.

Quelle ne fût pas ma surprise quand sur l’acte de mariage de mes ancêtres Jean-Nicolas Paulmier (sosa 380) et Marie-Charlotte Gaucher (sosa 381) le 27 février 1775 à Herblay (95), je découvris que Marie-Charlotte était la fille de défunt Robert Gaucher, ancien conseiller du Roi, inspecteur de Police, et de Charlotte-Catherine Lévêque de la paroisse Saint Jacques la Boucherie, rue Aubry le Boucher. 

Un inspecteur dans mes ancêtres au XVIIIe siècle! J’avais vraiment envie d’en savoir plus. L’acte de mariage de sa fille nous apprend que Robert n’est plus de ce monde en 1775. Sa veuve Charlotte-Catherine vient de la paroisse Saint Jacques la Boucherie. Ne connaissant pas cette paroisse, je découvre que de l’ancienne église Saint Jacques la Boucherie ne subsiste aujourd’hui que sa tour, la fameuse tour Saint Jacques, qui trône majestueusement près de la place du Chatelet à Paris. La rue Aubry le Boucher existe toujours. Je l’ai prise bien souvent, car elle rejoint le centre Pompidou aux Halles.

L’acte du second mariage de Marie-Charlotte et son acte de naissance nous apprenne qu’elle est née le 28 juin 1743 à Paris. Robert est donc décédé entre 1743 et 1775.

Acte de mariage entre Jean-Nicolas Paulmier et de Marie-Charlotte Gauché le 27 février 1775 à Herblay (95)
Eglise Saint Jacques la Boucherie
Tour Saint Jacques
Rue Aubry le Boucher- Plan de Turgot - 1739
Église St Jacques la Boucherie -Plan de Turgot - 1739
Quartier Saint Jacques la Boucherie - Plan de Paris de Roussel - 1730

L'incendie de l'Hôtel de ville de Paris

Heureux de découvrir mes premiers ancêtres parisiens, je me disais naïvement que les archives parisiennes seraient riches en information, mais je découvris qu’à la suite de l’incendie de l’Hôtel de Ville le 24 mai 1871 par les Communards, la quasi-totalité des registres paroissiaux et d’état civils antérieurs à l’année 1860 avait disparu. Et comme ce qui nous ne nous tue pas, nous rend plus fort, cette absence d’actes paroissiaux fut paradoxalement une vraie chance. Elle me poussa à sortir de ma zone de confort qui consistait à l’époque à seulement m’intéresser aux registres paroissiaux et d’états civils pour remonter mécaniquement les générations. Cette lacune me permit donc de m’intéresser à d’autres sources documentaires qui me donnent l’opportunité d’enrichir mes connaissances sur la vie des personnes que je recherche.

Hôtel de ville de Paris incendié - 1871

La création de l'office d'inspecteur de Police

Avant d’aller plus loin, quelques informations utiles sur la charge d’inspecteur de police. L’office d’inspecteur de police est crée par un édit du roi Louis XIV en février 1708. Quarante offices sont crées pour la ville de Paris et ses faubourgs. Sous les commissaires, un pour chaque quartier, les inspecteurs soulagent les commissaires dans les fonctions les plus pénibles de la police et sont chargés du soin de retirer tous les mois les registres des chambres garnies pour les faire viser aux commissaires et les rendre ensuite aux aubergistes. (1) L’inspecteur de police portait le titre de conseiller du Roi, et jouissait de plusieurs priviléges et prérogatives qui lui donnaient un rang distingué parmi les fonctionnaires de l’ordre administratif et judiciaire. Les huissiers, sergents, gardes et archers du guet, étaient tenus de lui prêter main-forte à peine de désobéissance et d’interdiction.(2) Un édit de mars 1740 réduit le corps des inspecteurs de 40 à 20 après les turbulences des décennies précédentes. 

La dispense d'âge

Désireux de retrouver des informations sur Robert Gaucher, je me suis donc plongé dans l’étude de nombreux inventaires des Archives nationales. Le premier document que je découvris fût un enregistrement des archives de la Maison du Roi faisant mention de dispense d’âge pour être inspecteur de police à Paris de Robert Gaucher faite le 28 octobre 1727 à Fontainebleau. Cette dispense est accordée par le roi Louis XV.

Ce premier document me poussa donc à rechercher l’acte de réception d’office de Robert Gaucher pour sa nouvelle charge de Conseiller du Roi, inspecteur de Police. Après quelques recherches, j’ai découvert que ce type de document pouvait se retrouver dans les registres de tutelles du chatelet de Paris. L’indexation n’étant pas mis en place, je me suis mis à fouiller acte par acte pour retrouver la fameuse réception de Robert. 

A la suite de nombreuses heures de recherche, et avec des yeux biens asséchés, j’ai retrouvé la prise en compte le 21 novembre 1727 de la dispense d’âge de Robert, suivi de la lettre de provision d’office du 7 novembre 1727, qui m’apprend qu’il n’a que 20 ans et que l’âge minimum pour devenir inspecteur de Police est de 25 ans.

Dispense d'âge de Robert Gauché

La réception

Enfin, quelques pages plus loin, je découvre le 28 novembre 1727 le tant attendu acte de réception. Robert Gaucher reprend l’office de defunt Jean-François Le Cesne. 

Trois grandes étapes structurent la procédure de la réception des inspecteurs de police, dont l’ordre de conservation des actes va habituellement à rebours (3): 

la supplication du demandeur, annotée par le lieutenant général de police, le procureur du roi et les syndics de la compagnie des inspecteurs de police; 

l’information de bonne vie et moeurs

la cérémonie de réception, dont l’arrêt récapitule toutes les étapes

Réception de conseiller du roi, inspecteur de Police de Robert Gauché

Les témoins de moralité

Pour attester de la moralité de Robert Gaucher, il y a trois témoins :
– Messire Antoine Hubert, prêtre de Paris, docteur de la Sorbonne, demeurant rue des barres, paroisse St Gervais, 45 ans, connait Robert depuis 8 ans environ.
– Guillaume de Gabriel de la Combe, conseiller du Roy, inspecteur de Police, demeurant rue St Anne, paroisse St Roch, 51 ans, connait Robert depuis plus d’un an.
– Nicolas Guesdon, huissier, commissaire priseur au Chatelet de Paris, demeurant rue de la Parcheminerie, paroisse St Séverin, 46 ans, connait Robert depuis 2 ans.

Chacun des trois témoins atteste que Robert fait profession de la religion catholique apostolique romaine, qu’il fréquente les sacrements et qu’il est fort attentionné au service du roi.

Témoignage de Guillaume de Gabriel de la Combe en faveur de Robert Gauché

Le projet "Familles parisiennes"

Pour palier au manque des registres paroissiaux, le projet « familles parisiennes » propose à des bénévoles d’indexer les documents existants à Paris avant l’incendie de l’hôtel de ville, dont notamment les archives de notaires.  Grâce à ce projet, j’ai pu retrouver d’autres documents où apparaît Robert Gauché.

Le 4 mai 1729, Robert est témoin de moralité pour Léon Henry Presle postulant à la charge d’inspecteur de Police. Ce document nous apprend que Robert a alors 22 ans et demeure rue de la Mortellerie, paroisse Saint Gervais. La rue de la Mortellerie est l’actuelle rue de l’Hôtel de ville.

Le 13 février 1730, dans l’avis pour nomination de tuteur pour les enfants Faisneux et Montagne, j’apprends que Robert vit à présent rue des Ecouffes, paroisse Saint Gervais. Il est le cousin maternelle des mineurx Faisneux. Il est donc cousin ou neveu de leur mère Marie-Françoise Viard et de ses frères Jacques Viard, Bourgeois de Paris, demeurant rue de la Mortellerie, paroisse St Gervais, et Louis Jean Viard, Bourgeois de Paris, demeurant rue des barres, paroisse St Gervais. 

Quartier Saint Gervais - Plan de Paris de Roussel - 1730

Désireux d'en savoir plus

Si je n’ai pas encore pu retrouver qui étaient les parents de Robert et réussir à en savoir plus sur sa vie. J’espère que de nouveaux documents le concernant seront annexés sur familles parisiennes. Je reste trés vigilant en vérifiant régulièrement leur site. J’attends ces nouveaux documents qui me permettront d’en savoir plus sur la vie de Robert Gauché. Qu’elle était la profession  des parents de Robert?  D’où venez t il? Pourquoi était il qualifié d’ancien conseiller du roi sur les actes de sa fille? A t il dû renoncer à sa charge suite au nouvel édit de 1740? Sur quels enquêtes a t il travaillé?

Si au détour d’une archive, il se présente à vous, s’il vous plaît, prevenez-moi.  😉

Signature de Robert Gauché
Lien avec Robert Gaucher

Sources:

– (1) Les « officiers de police » à Paris (milieu XVIIe-XVIIIe siècle) de Nicolas Vidoni:  https://journals.openedition.org/rives/3962

– (2) Nouveau dictionnaire de la Police de Élouin.

– (3) Thèse «INSPIRER LA CRAINTE, LE RESPECT ET L’AMOUR DU PUBLIC »: LES INSPECTEURS DE POLICE PARISIENS, 1740-1789

– Projet Familles parisiennes: https://www.famillesparisiennes.org/

– Enregistrement de la lettre de dispense d’âge de Robert Gaucher du 21/11/1727 : http://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=32422&page=219

– Réception de conseiller du Roy, inspecteur de Police de la ville et faubourg de Paris de Robert Gaucher du 28/11/1727 : http://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=32422&page=719

– Témoignage en faveur de Léon Henry Presle du 04/05/1729 : http://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=23762&page=250

– Avis pour nomination de tuteur pour les enfants Faisneux et Montagne du 13/02/1730 : http://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=3838&page=781

– Avis pour nomination des tuteurs des enfants Viquet du 26/06/1731 : https://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=31036&page=353


7 commentaires

Christelle · 12 novembre 2019 à 12 h 50 min

Passionnant ! Bravo pour ces recherches !

    Yann · 12 novembre 2019 à 13 h 06 min

    Merci Christelle

Catherine · 12 novembre 2019 à 17 h 16 min

Belle découverte

    Yann · 12 novembre 2019 à 18 h 36 min

    Merci Catherine

cliquot · 2 octobre 2022 à 20 h 42 min

Re…
Merci pour cet article que je trouve bien passionant.
Pour la destructîon de l’état civil et des actes paroissiaux, beaucoup historiens s’accordent à dire qu’elle est la conséquence des combats et non une volonté de destruction.
Les archives nationales ont failli aussi être détruites durant cet épisode.
Certes une perte dramatique mais qui reste à relativiser car cela a obligé beaucoup de généalogistes à consulter de nombreuses autres sources pour compenser cette perte…
Que dire de certaines archives qui ont été detruites suites aux guerres de 1815…1914 …et 1945 : elles sont bien plus difficiles à contourner !

    Yann · 2 octobre 2022 à 23 h 22 min

    Je vous remercie pour votre avis.
    Effectivement, les guerres ont détruit de nombreuses archives dans les zones de combat.
    Depuis l’écriture de cet article, j’ai pu me plonger un peu plus dans les archives notariales de Paris, trouver les ascendants de Robert Gaucher et découvrir le petit monde des bourgeois de Paris des XVII et XVIII èmes siècles. De nouveaux articles en perspective pour partager ces découvertes.

X comme les archives classées X de la Bastille - Enquête de notre histoire · 29 novembre 2019 à 11 h 37 min

[…] de mon article, I comme Inspecteur de Police au XVIIIème siècle, vous avez fait la connaissance de Robert Gaucher, conseiller du Roi, inspecteur de […]

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